Dossier

Dignité de la personne, dignité infinie

30 juin 2024

« Dignité infinie »  est le titre d’un document qui vient d’être publiée à Rome . Ce document, mûri depuis cinq ans, nous interpelle sur la façon que nous avons de considérer les personnes, en particulier les plus vulnérables. La lutte pour que soient respectés les droits de l’homme et la dignité des personnes est toujours à poursuivre face aux idéologies ambiantes et au danger que ce soit la loi du plus fort qui l’emporte.

Avec toute l’Église, ce que l’association Alliances Internationales a à cœur de promouvoir depuis sa fondation, c’est le primat de la personne et son développement intégral.

Le premier projet que nous avons soutenu est celui de l’Hôpital de Kabinda en RDC, un hôpital désaffecté laissant la population de toute une province sans aucun soin. Dans cette région très pauvre, les premières victimes étaient les enfants atteints de malnutrition, d’anémie et de paludisme.

Un appel de l’évêque a été adressé à la Communauté des Béatitudes : « mes enfants meurent, qui enverrai-je ? » auquel une poignée de frères et sœurs de la Communauté a répondu dans la foi. C’est ainsi que l’aventure de Kabinda, qui dure toujours, et de l’association a commencé...

Nous sommes témoins de tant d’atteintes à la dignité des personnes : atteintes de la vie elle-même, à ses débuts, lorsqu’elle devient fragile, à sa fin... Atteintes lorsqu’elle est confrontée à la pauvreté, à la faim, à la guerre, atteintes lorsque la liberté est entravée...

Toutes ces situations, nous les rencontrons sur les lieux où nous intervenons : au Mali, lorsque des sœurs que nous soutenons apportent leur aide à des jeunes femmes enceintes et seules, jetées à la rue, à mettre au monde leur enfant ; au Vietnam lorsque nous recueillons des enfants orphelins, en détresse sociale ou handicapés ; en République Centrafricaine lorsque la communauté a accueilli sur la parcelle du Monastère jusqu’à 40 000 personnes victimes de guerre civile, en Tchéquie, en Slovaquie, lorsque nos communautés ont ouvert leurs portes à des réfugiés venant d’Ukraine, surtout des femmes et des enfants, au Liban lorsque nous soutenons des familles ruinées par une situation politique délétère, où la corruption est la règle et où la guerre refait son apparition, à Kabinda où l’hôpital est au service de toute une population pauvre, à Toulouse, où une sœur de la Communauté accompagne envers et contre tous des sans-papiers qui n’existent pour personne. La liste est longue...

Le dernier projet que nous vous avons présenté concerne des enfants atteints de trisomie 21 à Kokchetav au Kazakhstan. 

Tous ces enfants sont souvent cachés dans les familles et peu stimulés alors que les premières années de vie sont décisives pour leur développement.

En France la trisomie 21 est devenue une maladie que l’on dépiste très précocement et efficacement lors de la surveillance de la grossesse. Ce dépistage précoce aboutit, dans 96% des cas, à l’élimination d’une vie et donc à l’élimination de la question de l’accueil et de la prise en charge d’une telle affection. Se pose-t-on vraiment la question de la dignité de cet enfant atteint de trisomie 21, même s’il n’est pas encore né ? N’est-ce pas une façon d’affirmer que certaines vies ne valent pas la peine d’être vécues ?

Aujourd’hui le terme même de dignité est dévoyé : ne parle- t-on pas de « mourir » dans la dignité afin de promouvoir l’euthanasie ? Récemment le terme de fraternité lui-aussi a été dévié de son sens puisque l’euthanasie est considérée par certains comme un ultime acte « fraternel ».

Ensemble, poursuivons nos efforts pour œuvrer au bien de « tout homme et de tout l’homme ! »


Pourtant, l’Église, dans sa grande clairvoyance, ne cesse d’affirmer à temps et à contretemps, que l’homme possède une dignité infinie qui est fondée sur son propre être et non sur des circonstances. Cette dignité, nous l’avons tous par le simple fait d’être une personne humaine qui existe, qui a été voulue, créée et aimée par Dieu. De plus nous avons été rachetés par le Christ et nous sommes appelés à une destinée éternelle. Aucune autre créature n’a ce privilège. Notre horizon n’est pas fait de circonstances mais il est celui de l’amour éternel de Dieu, maître de la Vie avec lequel nous sommes appelés à vivre en communion.

On comprend alors qu’il n’y a pas de degrés dans la dignité, elle est égale pour tous, de la conception à la mort naturelle, que l’on soit un embryon doté d’une « présence personnelle » comme le dit si bien le magistère, une personne handicapée, un malade gravement atteint physiquement ou psychiquement, une personne en fin de vie.

Cette dignité n’est donc jamais perdue, elle est « infinie ». Le pape François nous rappelle souvent que nous sommes tous frères. C’est cela le vrai sens de la fraternité, reconnaître la dignité inaliénable, infinie, de chaque personne créée à l’image et à la ressemblance de Dieu et vivre la solidarité, en particulier avec les plus vulnérables, en prenant soin les uns des autres.

par Martine Michel, responsable des publications

extrait du TROAS n°88 - juin 2024

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